Membre de la Plateforme des acteurs de la Société civile pour la transparence des élections (Pacte), Djibril Gngingue, signale, dans Sud Quotidien, que la décision des sept sages de maintenir l’invalidation par le ministère de l’Intérieur des listes de suppléants et titulaires des coalitions Benno et Yewwi n’est pas sans conséquences sur le fonctionnement de la prochaine législature.
À trois jours du démarrage de la campagne électorale pour les élections législatives du 31 juillet prochain, Djibril Gningue, membre de la Plateforme des acteurs de la Société civile pour la transparence des élections (Pacte) relance le débat sur la décision des sept sages de maintenir l’invalidation par le ministère de l’intérieur des listes de suppléants et titulaires des coalitions Benno et Yewwi. Joint au téléphone par Sud quotidien hier, mercredi 6 juillet, l’expert électoral affirme que cette décision des sept sages fait planer sur la quatorzième législature des graves conséquences. La première conséquence, explique-t-il, est relative au calcul du nombre de sièges obtenus par Yewwi Askan Wi et Benno Bokk Yakaar. En effet, précisant d’emblée qu’il ne se pose pas de problèmes, pour la liste majoritaire dont le système est basé sur le «raw gaddu» (la première rafle tout).
L’expert électoral fait remarquer en revanche que des difficultés pourraient survenir au moment du décompte final des voix créditées à ces deux coalitions. «Au niveau de la liste proportionnelle ou nationale, on capitalise d’abord les suffrages obtenus au niveau de la liste majoritaire ensuite, on prend ceux de la liste nationale. Cela veut dire que la liste majoritaire est capitalisée 2 fois puisqu’on l’ajoute avec ce que vous avez obtenu sur la liste proportionnelle et le total, c’est ça qui est divisé par le quotient et ça vous donne le nombre de sièges. J’espère que ce mode de calcul qui était en vigueur lorsque tout le monde avait sa liste de titulaire et de suppléant sera reconduit et que Yewwi et Benno ne seront pas en fait pénalisées à ce niveau-là», a-t-il indiqué.
Le risque d’épuisement des candidats sur la liste unique et la convocation d’une élection partielle
Par ailleurs, abordant la deuxième conséquence de cette décision des sages du Conseil constitutionnel, Djibril Gningue relève que cette dernière concerne le risque d’un épuisement du nombre de titulaires et de suppléants et la convocation d’une nouvelle élection partielle complémentaire au niveau national pour les militants de la liste en question avec tout ce que cela implique comme dépense. Poursuivant son propos, l’expert électoral a, cependant, tenu à préciser que la probabilité de se retrouver dans un tel scénario est très faible. «Le principe ici, c’est que lorsqu’il y a un empêchement, on passe au premier non élu sur la liste des titulaires du même sexe pour le remplacer. Et si la liste des titulaires est épuisée, on passe à la liste des suppléants. Si cette dernière est épuisée, on organise une élection partielle complémentaire au niveau national mais qui va concerner que les militants de la liste en question. La probabilité de se retrouver dans un tel scénario est très faible puisque ce sont des choses évidemment qui arrivent très rarement. Cela n’est jamais encore arrivé dans l’histoire politique Sénégal mais ce sont des cas qui peuvent arriver. D’ailleurs, c’est pourquoi, le législateur a prévu tout cela pour qu’il n’y ait pas de vide institutionnel qui serait grave pour un pays comme le nôtre qui est quand même une démocratie majeure, un État de droit».
La difficulté pour la coalition qui sortira gagnante de réunir la majorité des 3/5 pour voter les lois organiques
Poursuivant son analyse, Djibril Gningue a également évoqué la difficulté de réunir la majorité des 3/5 qui est nécessaire pour voter les lois organiques pour la coalition qui sortira gagnante de ces élections comme étant l’une des conséquences que cette décision des sept sages de maintenir l’invalidation par le ministère de l’intérieur des listes de suppléants et titulaires des coalitions Benno et Yewwi fait planer sur la quatorzième législature. «La moitié des 165 députés est 83 députés. La difficulté pour la coalition qui sortira gagnante de ces élections sera de réunir la majorité des 3/5 qui est nécessaire pour voter les lois organiques telle que la Constitution etc. C’est une difficulté majeure qui n’a jamais eu lieu en tout cas je ne me souviens pas au Sénégal», a-t-il fait remarquer.
Le risque d’incomplétude de l’effectif de l’Assemblée nationale
Loin de s’en tenir là, le membre de la Plateforme des acteurs de la Société civile pour la transparence des élections (Pacte) évoque le risque d’incomplétude de l’Assemblée nationale. «Il y a 165 députés, et le risque de ne pas avoir ces 165 députés n’est pas à écarter. Les deux principales coalitions : Benno et Yewwi qui sont amputées d’une partie de leur liste pourraient éprouver des difficultés à mobiliser une partie de leur électorat à cause de l’élimination des candidats présents sur les deux listes écartées. Ce qui pourrait entraîner des pertes de voix qui peuvent se répercuter sur le nombre global de sièges à l’Assemblée nationale».
La jurisprudence du Conseil constitutionnel qui balise la voie à des élections avec seulement une liste
Pour conclure son éclairage, le spécialiste des questions électorales a également évoqué les conséquences de la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur le Code électoral. En effet, selon Djibril Gningue avec cette décision rendue par le Conseil constitutionnel autorisant les deux coalitions Benno et Yewwi à participer à ces élections avec une seule liste risque de créer des difficultés et qui fait désormais office de jurisprudence, n’importe quelle coalition pourrait à choisir de présenter lors d’une élection seulement une liste de titulaire ou de suppléant. Ce que n’accepte pas le Code électoral. «A l’avenir, il peut avoir une élection où un parti ou un coalition pourrait, contrairement aux dispositions du Code électoral, choisir de présenter seulement une liste de titulaires ou de suppléants. Ce que n’accepte pas le Code électoral. Mais, il sera difficile de l’éliminer compte tenu de la jurisprudence de la décision du Conseil constitutionnel qui fait office de Loi».