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Pourquoi les divorces flambent, notamment dans la tranche d’âge des 20-40 ans ?

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Le divorce devient fréquent au Sénégal. Les couples ne tiennent plus et volent en éclats après quelques années, voire quelques mois, de mariage. Les motifs de ces mésententes sont difficiles à cerner. Une chose est sûre : révolue est l’époque où les unions duraient jusqu’à la mort d’un conjoint et où l’on se jurait fidélité. Epoque aussi où on se mariait pour le meilleur et pour le pire. Des spécialistes interpellés sur la question de la récurrence des divorces, essayent de livrer des explications pour mieux aider à comprendre ce phénomène qui semble être à la mode. Dossier du journal « Le Témoin ».

Nos interlocuteurs recommandent une introspection globale de la société pour mieux comprendre le flux exponentiel des divorces au Sénégal. Ils estiment que la récurrence des divorces, particulièrement dans les grandes villes, mérite une sensibilisation avant le mariage. A les en croire, ce serait là l’unique possibilité pour au moins infléchir, à défaut de faire redescendre carrément la courbe ascendante de ce fléau.

En effet, les résultats des enquêtes menées sur la question par l’Agence nationale de la Statistique et de la Démographie (Ansd) inquiètent, quant à la capacité des gens à mener une vie de couple danss les liens du mariage. D’après ces enquêtes, la tranche d’âge de 20 à 40 ans détient la palme des divorces. Une situation qui montre la nécessité de faire des efforts pour amoindrir les dégâts. Il en est de même, du côté du Tribunal, où il a été constaté près de 75 dépôts ou requêtes de divorces de cette tranche d’âge, comprise entre 20 et 40 ans. Dans cette institution judiciaire, il est enregistré près de 300 divorces par mois. Un chiffre effarant qui inquiète sur le divorce qui fut à une certaine époque, un mal, devenu aujourd’hui une banalité.

Ces séparations souvent douloureuses ou incomprises impactent sur le quotidien des enfants issus de ces mariages et installent régulièrement, une difficile cohabitation. Après le divorce, un climat délétère, une haine viscérale et une méfiance indescriptible s’installent. Les ex-mariés se regardent en chiens de faïence. Une guerre verbale, de la calomnie et de la médisance s’installent. Et chacun des ex-conjoints cherche à anéantir la vie de l’autre. Rien ne se pardonne. Ne serait-ce pour respecter le peu d’agréables moments partagés ensemble. Face à cette guerre à distance, les drames entre ex-époux ne sont pas à écarter.

Pour expliquer ces multiples divorces, des experts évoquent la prédominance d’un Sénégal des apparences sur un Sénégal réel, pour exposer les tares de la société. Le faux et les relations monétarisées dominent. D’après nos interlocuteurs, une fois que tout le monde arrête de mentir dans un couple, la réalité n’incite plus à rester. Ils précisent qu’il y a trop de mensonges dans les relations de couple. L’argent et les apparences sont mis en avant pour masquer des carences destructrices. Les outrances et les excès dans les cérémonies familiales ne sont pas en reste.

L’environnement socioculturel est gangrené avec des modèles d’hommes immatures, irresponsables, des modèles de femmes Whatsapp, Snapchat, Tik Tok, avides de mondanités et de futilités et sans aucune compétence domestique. De plus en plus, dans notre société, des hommes et des femmes préfèrent des relations charnelles librement consenties.

Beaucoup d’entre eux sont allergiques au mariage. Ceux dont le but est de fonder un foyer et d’élever leurs enfants dans la foi, la dignité et le respect des valeurs, restent rares dans la société sénégalaise actuelle. Les spécialistes préconisent ainsi un renforcement de la capacité des familles. Ce, en mettant en place une bonne politique de protection sociale, pour supplanter les familles pauvres dans l’éducation de leurs enfants et dans leur protection sociale. Ils encouragent à cultiver chez la femme sénégalaise l’esprit d’entrepreneuriat, pour lui permettre d’être aussi actrice contributrice dans les dépenses du ménage. Il s’agit d’une option pour réduire la vulnérabilité et la dépendance des femmes.

Dans cette dynamique, les hommes et femmes sont appelés à arrêter d’être tout le temps dans les futilités et le jeu des apparences et du « m’as-tu vu » qui ne mènent à rien. Le mariage et la famille, disent les spécialistes, sont des choses sacrées dans la vie. Mais, la progéniture l’est encore davantage. Et personne ne doit se laisser influencer par la télévision. En résumé, les populations sont invitées à ne pas prendre les apparences pour la réalité et à comprendre que la vie ne se résume pas à avoir un iPhone 11, des cheveux « naturels », un portefeuille bien rempli. Ce, alors qu’on est entièrement dépendant.

Fadilou Bâ, Juriste : «Le motif de divorce le plus utilisé est l’incompatibilité d’humeur, un motif «fourre-tout»

Fadilou Bâ est juriste. Il reconnaît qu’il est difficile de fournir un chiffre exact du nombre de cas de divorces. Mais il considère qu’en moyenne, près de 75 dépôts ou requêtes de divorces de la tranche d’âge comprise entre 20 et 40 ans, sont enregistrés par une quinzaine et près de 300 par mois. Et pour les décisions rendues, le tribunal avec ses 13 cabinets de juges, scindés en deux chambres, délibère tous les mercredis. Et c’est lorsque les dossiers sont en état qu’ils sont jugés. En moyenne, révèle-t-il, c’est 300 décisions qui sont rendues par mois.

Fadilou Bâ, juriste, accroché par « Le Témoin », évoque le Code de la Famille en son article 166, qui prévoit 10 motifs de divorce. Mais le plus utilisé est l’incompatibilité d’humeur, considérée comme étant un motif «fourre-tout».

“Le problème des divorces au Sénégal, particulièrement dans les grandes villes, mérite qu’on sensibilise les gens avant le mariage afin de diminuer au moins ce fléau. Sans compter les divorces qui n’arrivent pas au tribunal, les chiffres sont alarmants. On a l’impression que les gens se marient le samedi, consomment le mariage le dimanche, se disputent lundi et divorcent mardi”, explique de manière imagée Fadilou Bâ.

Ainsi, le juriste qu’il est considère que, souvent, les hommes arrivent à duper les femmes sur leurs conditions de vie. Une fois le mariage célébré, il s’ensuit le divorce si la femme ne retrouve pas les conditions espérées. D’après lui, il y a aussi les belles-familles et les gens qui ne se marient pas par amour…tout cela contribue à accroître les divorces. Selon Fadilou Bâ, autrefois, le divorce c’était mal vu. Tel ne serait plus le cas aujourd’hui. Avant, les gens se contentaient juste d’un divorce sur le plan religieux.

Aujourd’hui, avec la peur d’être poursuivies pour bigamie, les femmes prennent leurs précautions pour obtenir un divorce sur le plan juridique. Le juriste exhorte à une sensibilisation sur le fait que tout n’est pas rose dans le mariage. Et que c’est dans les moments difficiles qu’il faut se serrer les coudes, tel un vrai couple et non se séparer. Notre interlocuteur encourage les parents à veiller sur l’impérative nécessité d’obtenir le consentement de leurs enfants, notamment leurs filles, afin d’éviter les mariages forcés.

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