Prévue à la date du 25 février 2024 par le décret N°2023- 339, l’organisation de la prochaine élection présidentielle, risque de ne pas être de tout repos pour le Sénégal. En effet, en plus de la tension politique actuelle alimentée par la juridicisation de la bataille politique entre la majorité au pouvoir et une partie de l’opposition dite radicale, réunie autour du leader des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF), Ousmane Sonko, la tenue du prochain scrutin présidentiel pourrait être plombée par les divergences qui opposent depuis plusieurs années, pouvoir et opposition, autour du processus électoral, notamment la question du parrainage, le statut du ministre en charge de l’organisation des élections, le bulletin unique, la disponibilité du fichier électoral, avec surtout, cette révision exceptionnelle des listes électorales, qui tarde à démarrer. « Sud Quotidien »
En proie depuis quelques temps à une tension politique alimentée par la juridicisation de la bataille politique entre la majorité au pouvoir et une partie de l’opposition dite radicale, réunie autour d’Ousmane Sonko, leader des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF) et le débat sur la troisième candidature de l’actuel chef de l’État, le Sénégal ne semble pas être au bout du tunnel.
Et pour cause, à douze mois environ de la présidentielle du 25 février 2024, qui permettra aux Sénégalais d’élire le successeur de l’actuel chef de l’Etat (à moins que ce dernier décide de forcer le barrage de la limitation des deux mandats prévus à l’article 27 de la Constitution), la crise actuelle pourrait être accentuée par les divergences qui opposent depuis plusieurs années, le pouvoir et l’opposition, autour du processus électoral avec entre autres, la question du parrainage, le bulletin unique, le statut de l’autorité en charge de l’organisation des élections et la disponibilité du fichier électoral.
La loi sur le parrainage
Adoptée à la veille de la dernière élection présidentielle de février 2019, par l’Assemblée nationale en sa plénière du 19 avril 2018, dans un climat de fortes contestations d’opposants réprimées à coup de gaz lacrymogènes, la loi sur le parrainage exige à tous les candidats aux élections, la présentation d’un pourcentage du corps électoral de 0,5% pour les Législatives et 0,8% pour la Présidentielle.
Jugée « antidémocratique » par l’opposition, qui accuse le pouvoir en place de chercher à éliminer des adversaires politiques du Président Macky Sall, la mise en œuvre de cette loi lors de la présidentielle de 2019 avait entrainé l’élimination de 20 dossiers de candidatures sur les 27 réceptionnés par le greffe du Conseil constitutionnel.
Dans son rapport final sur l’organisation de cette élection présidentielle de février 2019, présenté au mois de juin de la même année, la Mission d’observation électorale de l’Union européenne, a préconisé aux autorités pour les scrutins à venir, de tenir une réflexion avec tous les acteurs, sur l’application de ce système des parrainages citoyens, dont certains aspects selon elle « portent atteinte au principe d’égalité entre les candidats ». Par ailleurs, tout en préconisant « l’abandon du parrainage citoyen pour les élections locales », les observateurs de l’Union européenne estimaient également que les 53 000 parrainages d’électeurs exigés aux candidats à la présidentielle sont « déraisonnables à l’exercice du droit de se porter candidat ».
Saisie également par l’avocat et chef de parti politique, Me Abdoulaye Tine, la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a rendu le 28 avril 2021, un arrêt dans lequel, elle ordonne à l’État du Sénégal, dans un délai de six mois, « i[de lever tous les obstacles à une libre participation aux élections […] par la suppression du système de parrainage électoral ]i», qu’elle considère comme un « véritable obstacle à la liberté et au secret de l’exercice du droit de vote ».
Dernière instance à se prononcer contre le parrainage ou du moins sa présentation actuelle, la Commission électorale nationale autonome (CENA). Dans son rapport sur les élections législatives du 31 juillet 2022 rendu public, le 26 décembre 2022 dernier, la Cena recommande de « revoir le nombre de parrains à la baisse en réduisant les pourcentages de parrains calculés à partir du fichier électoral et exigibles à l’élection présidentielle et aux élections législatives ». Mais aussi, de « codifier le principe du tirage au sort pour le dépôt des parrains et des listes de candidature ».
Toujours dans ce document, la Cena qui est l’organe de supervision du processus électoral, a également préconisé de « supprimer les doublons externes en limitant les parrains au nombre exigé » et de « faire respecter aux candidats le jour et l’heure du dépôt ». Cependant, malgré toutes ces alertes, le régime en place est resté inflexible et continue de défendre bec et ongles son parrainage, qui permet, selon lui, de rationaliser les scrutins face à « une inflation progressive des candidatures ».
La preuve, inscrite au menu des dernières concertations au niveau de la Commission cellulaire sur le processus électoral, dirigée par feu le Général Mamadou Niang, cette question n’a pas fait objet d’un consensus, du fait de la position ferme des plénipotentiaires de la majorité.
L’accès de l’opposition au fichier électoral
Depuis l’avènement du régime en place en 2012, la question de l’accès du fichier électoral remis à jour avant chaque élection, a toujours été au cœur de la revendication de l’opposition. Une des innovations du processus électoral de la présidentielle de 2012, l’accès du fichier électoral en ligne à tous les citoyens, à partir d’un simple tour sur Google, a été supprimée pendant les préparatifs des Législatives de 2017.
Depuis lors, l’accès à ce fichier a toujours été refusé à l’opposition, nonobstant les disposions de l’article L48 du Code électoral qui permet aux partis engagés dans des élections, d’y accéder. Une situation qui ne fait que compliquer les choses, surtout avec le système de collecte du parrainage.
Lors de la dernière présidentielle, certains candidats dont le dossier de parrainage a été invalidé par le Conseil Constitutionnel? sont même montés au créneau? pour affirmer avec force : « nous sommes convaincus que le Conseil Constitutionnel ne dispose pas du bon fichier électoral ».
Bulletin unique, ministère en charge des élections, caution
De même que le parrainage, les questions de l’usage du bulletin unique, du montant de la caution et du statut des autorités en charge de l’organisation des élections, reviennent sur la place publique à chaque élection. La preuve, dans leur mémorandum sur le processus électoral rendu public au lendemain du référendum de mars 2016, les partis politiques du Front pour la Défense du Sénégal (FDS) et ceux de Mankoo Watù Senegaal (Mws), en faisaient leur cheval de bataille.
Dans ce document, ces partis de l’opposition rappelaient au sujet du bulletin, que « du temps où ils étaient à l’opposition, l’instauration du bulletin unique était une revendication de ceux qui sont aujourd’hui aux affaires. C’était également une proposition formulée et adoptée par les « Assises Nationales ».
Le bulletin unique figure enfin dans les conclusions du rapport de l’Union Européenne, comme proposition forte. Son adoption ne devrait donc poser aucun problème, sauf que les représentants du pouvoir s’y opposent aujourd’hui. Lors des dernières concertations politiques, les représentants de l’opposition avaient également posé sur la table ce bulletin unique. Il en est de même du statut de l’autorité en charge de l’organisation des élections. Sur ce point, les représentants de l’opposition demandent, à défaut de la nomination d’un apolitique comme ce fut le cas en 2012, la mise en place d’une Délégation générale aux élections. Mais, tout comme le point relatif au bulletin unique, le pouvoir en place campe sur son refus.