À la veille d’une tournée en Afrique centrale, le Président Emmanuel Macron s’est exprimé dans un discours tenu lundi depuis le palais de l’Élysée sur la nouvelle politique avec l’Afrique qui se veut plus inclusive. Mais que retenir du discours et des réactions qu’il a suscitées ?
Le discours a été prononcé devant un bon nombre d’acteurs qui vont l’accompagner à partir d’aujourd’hui à Libreville où il va assister au « One Forest Summit », un sommet sur la protection des forêts tropicales, au cœur des enjeux climatiques.
Cette 18e tournée en Afrique du Président français se poursuivra à Luanda, à Brazzaville pour prendre fin à Kinshasa, ce weekend.
Le contexte est marqué par la montée d’un sentiment antifrançais en Afrique francophone, surtout dans la région ouest africaine, né selon le Président Macron d’un « amalgame » qui fait de la France le « bouc émissaire idéal » de l’échec des dirigeants locaux à relever les défis auxquels leurs pays font face.
La France au milieu du gué
C’est depuis un peu moins de six ans, en novembre 2017, dans l’amphithéâtre de l’université Joseph Ki-Zerbo à Ouagadougou que le cap a été fixé. Celui d’une politique qui a vocation à ne pas être simplement de gouvernement à gouvernement, mais qui doit pleinement assumer de traiter avec la société civile des différents pays d’Afrique.
C’est en tout cas, la déclinaison affichée par le Président français pour parler de la nouvelle politique étrangère de la France vis-à-vis de l’Afrique, une volonté de se distancer des habitudes passées.
Il prône « …une autre voie qui consiste à ne pas réduire l’Afrique à un terrain de compétition ou de rente et à considérer les pays africains comme des partenaires avec qui nous avons des intérêts et des responsabilités partagées. Et, au fond, de bâtir une nouvelle relation, équilibrée, réciproque et responsable. »
Le Président Macron a aussi insisté sur des engagements de la France qui sont déjà mis en œuvre durant ces dernières années et qui vont continuer de se déployer notamment avec la réforme du Franc CFA et d’autres initiatives comme « Choose Africa » qui soutient l’entrepreneuriat dans la culture, le sport et le digital, avec un financement de 3 milliards d’Euros, déboursé entre 2019-2022.
« Nous sommes, en effet, comptables du passé sans avoir encore totalement convaincu sur les contours de notre avenir commun », a ajouté le Président Emmanuel Macron lors de son discours à l’Élysée.
Un nouveau partenariat militaire
Un autre point sur lequel le Président Emmanuel Macron est revenu est la nouvelle configuration que la France souhaite donner à la coopération militaire avec l’Afrique. Il s’agit pour lui d’une co-construction.
« Elle suppose que nos partenaires africains formulent très clairement leur besoin militaire et sécuritaire, qu’ensuite nous accroissions notre offre de formation, d’accompagnement, d’équipement au meilleur niveau », a-t-il précisé.
« La logique étant que le modèle ne doit plus être celui des bases militaires telles qu’elles existent aujourd’hui », a ajouté Emmanuel Macron.
« La priorité est maintenant donnée à la présence au sein de bases, d’écoles, d’académies qui seront cogérées, fonctionnant avec des effectifs français qui demeureront, mais à des niveaux moindres et des effectifs africains qui pourront aussi accueillir, si nos partenaires africains le souhaitent et à leurs conditions, d’autres partenaires », a conclu sur ce point le Président Macron.
La France semble avoir tiré les leçons de son intervention militaire au Sahel, dont le point d’orgue est le retrait des forces Barkhane au Mali, après neuf années de présence et celui de la fin de l’opération Sabre au Burkina-Faso, à la demande des deux pays africains.
« Ce n’était pas le rôle de la France d’apporter seule des réponses politiques qui devraient prendre le relais de la réponse militaire. Nous avons pourtant, malgré nous, assumé une responsabilité exorbitante », analyse le président français.
» Sentiment anti-français » : quelle est son histoire en Afrique et pourquoi il resurgit aujourd’hui ?
« Cela nous vaut aujourd’hui d’être l’objet par amalgame du rejet qui frappe une classe politique malienne qui a échoué à redresser son pays et c’est ce piège qui pourrait, si nous n’y prenons pas garde, se reproduire ailleurs », souligne le Président Macron.
Dans son discours, le président français a indiqué que son pays est le premier partenaire de formation militaire de la RDC.
L’ambassade de la France en RDC renseigne qu’en 2021, dans le cadre du renforcement des capacités des Forces Armées de la République démocratique du Congo(FARDC), les Éléments Français au Gabon (EFG) avaient formé deux bataillons jungle (BATJUNGLE) au Gabon.
« Aucune nostalgie vis-à-vis de la Françafrique »
La France n’a plus des pré carrés en Afrique. Les investisseurs français doivent accepter la compétition économique sur le Continent, a insisté le Président Macron auprès des actrices et acteurs de la coopération.
« Nous avons aujourd’hui encore trop de nos entreprises qui ne produisent pas les travaux de meilleure qualité parce que c’est l’Afrique. Ça ne marchera plus. Et je vous le dis en toute sincérité, je ne défendrai plus les entreprises qui ne sont pas prêtes à se battre » a déclaré le Président Emmanuel Macron.
« Je n’ai pour ma part aucune nostalgie vis-à-vis de la Françafrique, mais je ne veux pas laisser une absence ou un vide derrière elle », a déclaré le président français tout en insistant qu’il n’est pas autant attendu sur le continent que les entrepreneuses et entrepreneurs, les innovateurs, les sportifs, les artistes et les scientifiques qui vont aussi l’accompagner dans les quatre villes africaines qui ont été choisies pour cette tournée.
Réactions et attentes
Cette tournée du Président Emmanuel Macron en Afrique ne semble pas faire l’unanimité.
A Kinshasa, la dernière étape de sa visite, un sentiment anti-français croissant s’est adouci lorsque la France a contribué en tant que Membre Permanent du Conseil de sécurité de l’ONU à lever les restrictions sur l’importation d’armes par la RDC en décembre dernier.
S’il y a une mobilisation des officiels et de la coalition au pouvoir pour un accueil chaleureux de la délégation française, certains mouvements citoyens, notamment le FILIMBI, la Lutte pour le Changement (LUCHA) et autres ont organisé ce matin, une marche de protestation contre cette visite en RDC.
« Le Prédisent Macron est celui qui a le plus d’accointances avec le Président rwandais, Paul Kagame qui participe à la balkanisation de la RDC. Nous ne sommes pas dupe et Emmanuel Macron n’est pas le bienvenu ici au Congo », affirme Maud- Salomé Ekila qui s’exprimait devant l’Ambassade de la France en RDC, au nom de l’Alliance panafricaniste, un mouvement qui promeut l’indépendance totale du continent africain.
Hier, à travers une lettre ouverte adressée à Emmanuel Macron, la Fédération Internationale pour les Droits Humains (FIDH) a dénoncé une politique étrangère qui inscrit les droits humains et la démocratie aux abonnés absents. Les 31 organisations de la société civile encouragent la France à placer la défense de la démocratie au cœur de sa politique étrangère.
Sur le plan des attentes, Christophe Lutundula, le ministre des Affaires étrangères de la RDC espère que la France utilisera sa position pour dire au Rwanda de cesser de soutenir toute déstabilisation et tout déplacement de populations dans l’est du pays. Les accusations d’agression ont toujours été niées par les autorités rwandaises qui rejettent toute implication dans l’instabilité qui prévaut dans l’est de la RDC.
À Luanda, il sera question de la sécurité alimentaire, la France étant le premier partenaire de formation agricole en Angola avec le lancement d’un partenariat de production une fois sur place.
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Quant à Brazzaville, l’ancienne colonie française, l’heure est plutôt à la sérénité. Sur l’agenda de monsieur Macron, est prévue une rencontre avec le Président Denis Sassou Nguesso, qui cumule près de 40 ans à la tête du pays et une autre avec la communauté française vivant en République du Congo, selon Christian Soumou, le correspondant de BBC Afrique à Brazzaville.