La stratégie de l’opposant Ousmane Sonko consistant à refuser à comparaître devant la justice sera lourde de conséquence pour le Sénégal quelle que soit l’issue. Peu importe le vainqueur et le vaincu (s’il y en aura), il y aura des répercussions sur la vie politique et institutionnelle du pays. En effet, avec cette défiance vis-à-vis de la justice, il y a deux possibilités. Soit Ousmane Sonko a les moyens de faire face à l’Etat. Dans ce cas, il va choisir lui-même la conduite à tenir. Soit l’Etat se donne les moyens de le faire plier avec tous les risques que cela implique.
Dans la première hypothèse, Ousmane Sonko sort victorieux du bras de fer. Et même en cas de condamnation à une peine de prison ferme, il n’ira pas en prison. Certains connaisseurs parlent déjà d’un risque de perte de ses droits civiques pendant 20 ans, avec un jugement par contumace. Mais le problème ici, ce n’est pas la question de l’éligibilité qui est une considération politique, mais plutôt l’autorité de l’Etat.
Si Sonko parvient à défier l’Etat, cela crée une rupture d’égalité entre les citoyens devant la justice. L’Etat aura donc montré toute sa faiblesse en capitulant devant un homme. Ce qui crée un précédent dangereux, puisqu’un autre pourrait être tenté ultérieurement à adopter la même posture, si jamais il se sent assez fort pour défier l’Etat.
En résumé, c’est l’effondrement des institutions de la République. La force publique sera alors incapable de maintenir l’ordre et l’équilibre, de veiller sur les citoyens. Dans ce cas, même si Sonko devient président, il paiera les pots qu’il a contribué à casser. Il trouvera des citoyens qui n’auront aucun respect pour les institutions.
Dans l’autre scénario, Macky Sall et son pouvoir se donnent les moyens de le prendre par force, de le faire comparaître et de le mettre en prison, s’il est condamné. Là aussi, l’autorité de l’Etat sera certes sauve, mais à quel prix ? Avec ce qui s’est passé en mars 2021, en mars 2023 et hier, Ousmane Sonko a fini de prouver sa capacité de résistance. Le leader du Pastef catalyse à la fois les frustrations et les espoirs d’une bonne partie des jeunes. Ces derniers sont près à donner leurs vies pour le défendre.
Vouloir le prendre par force, c’est d’abord prendre le risque de faire un usage de la violence qui peut être excessif. Il y a déjà 17 morts, la liste ne fera que s’allonger, au vu de la détermination d’une partie de la jeunesse. Macky Sall pourra donc remporter le combat contre Sonko, mais pas celui contre la jeunesse. En plus, en réprimant les manifestations dans le sang, il va contribuer à écorner davantage l’image déjà ternie de la démocratie sénégalaise.
Il est donc temps d’écouter la voix de la sagesse. D’arrêter cette logique politicienne pour mettre en avant l’intérêt du Sénégal. Il est bien possible de trouver des compromis. Macky Sall a dit avoir mis certains dossiers sous le coude pour préserver la paix sociale. Il est difficile de croire que ces dossiers sous son coude soient plus sensibles que celui-là.
Après tout, dans ce Sénégal, nombreux sont les citoyens qui ont eu maille à partir avec la justice et qui se sont réfugiés dans une cité religieuse. A part le cas Khadim Bousso, on ne connaît pas un exemple où la force publique a été envoyée pour extraire le fautif.
La Casamance est une zone sensible, Sonko a beau être un citoyen comme les autres, il a quand même un statut et une capacité de nuisance. Il faut tenir compte de tout cela et œuvrer pour la paix au Sénégal, tout en sauvant l’image de la République. Le pays ne manque pas d’esprits éclairés pour indiquer la bonne voie.