La Première ministre italienne d’extrême droite Giorgia Meloni ne compte pas retirer sa plainte pour diffamation contre le journaliste d’investigation Roberto Saviano, accusé de l’avoir injuriée en 2020 en raison de ses positions sur les migrants.
Cette plainte avait été déposée lorsque la cheffe du parti post-fasciste Fratelli d’Italia était dans l’opposition, et des organisations de défense de la liberté de la presse lui ont demandé de la retirer maintenant qu’elle est cheffe de gouvernement et que le procès s’est ouvert mi-novembre.
Critique, insulte et diffamation
« Je ne comprends pas la requête de retirer la plainte sous le prétexte qu’aujourd’hui je serais présidente du Conseil: cela signifie-t-il que la magistrature aura un comportement différent en fonction de mon rôle? », affirme-t-elle dans un entretien au quotidien Il Corriere della Sera publié mardi. « Je crois que tout cela sera traité avec impartialité au vu de la séparation des pouvoirs ». « Je demande simplement à la magistrature quelle est la frontière entre le droit légitime de critiquer, l’insulte gratuite et la diffamation », conclut-elle.
“Vous êtes des bâtards!”
L’affaire remonte à décembre 2020 : lors d’une émission politique, M. Saviano s’était exprimé sur la mort, lors d’un naufrage d’un bateau de migrants, d’un bébé de six mois en provenance de Guinée. L’écrivain avait alors pointé du doigt Mme Meloni ainsi que Matteo Salvini, le chef de la Ligue anti-immigration, aujourd’hui vice-Premier ministre dans son gouvernement de coalition: « Je veux juste dire à Meloni, et à Salvini, vous êtes des bâtards! Comment avez-vous pu? ».
Appels au retrait de sa plainte
Mme Meloni avait déclaré en 2019 que les navires d’ONG humanitaires qui secourent les migrants « devraient être coulés », tandis que M. Salvini, en tant que ministre de l’Intérieur la même année, avait bloqué l’arrivée de ces navires en Italie. L’association d’écrivains PEN International, qui défend la liberté d’expression, a exhorté ce mois-ci dans une lettre ouverte Mme Meloni à retirer sa plainte.
“En intimider un pour en intimider cent”
Pour l’écrivain, sous protection policière depuis la publication de « Gomorra » en raison des menaces de la mafia napolitaine Camorra, les poursuites engagées contre lui visent à « en intimider un pour en intimider cent ». Les groupes de défense de la liberté de presse estiment que de tels procès sont symboliques d’une culture en Italie dans laquelle des personnalités publiques, souvent des politiciens, intimident les journalistes avec des poursuites judiciaires à répétition. L’Italie se trouve au 58e rang du classement mondial de la liberté de la presse 2022 publié par Reporters sans frontières, le niveau le plus bas d’Europe occidentale.